Σάββατο 23 Μαρτίου 2024

Παϊσίδου Μελαχροινή Π., Οι τοιχογραφίες του 17ου αιώνα στους ναούς της Καστοριάς. Συμβολή στη μελέτη της μνημειακής ζωγραφικής της δυτικής Μακεδονίας











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Résumé

LES PEINTURES MURALES DU XVIIe SIÈCLE DANS LES ÉGLISES DE CASTORIA
Contribution à l'étude de la peinture monumentale dans la Macédoine occidentale 

À l'aube du XVIIe siècle, Castoria est une ville en voie de développement qui présente certajns signes de prospérité. Ses habitants sont en majorité de religion chrétienne et leur administration est exercée par la Métropole. La population s'élève à environ dix mille habitants. La forte présence d'églises prouve que les populations chrétiennes s'étaient réunies dans les parties est, nord et sud de la ville, mais aussi en dehors del'enceinte byzantine et à l'emplacement de la citadelle qui date également de la même époque. Dans la citadelle, le quartier chrétien était séparé du quartier turc (mahala) par un mur transversal comme c'était l'usage dans les autres villes ottomanes à population mixte grecque et turque.
Il semble que les chrétiens pratiquaient leurs rites dans des églises anciennes, restaurées ou récem­ ment bâties. Le Métropolite était à la tête de l'administration commune et interne des chrétiens et, en collaboration avec le clergé et la noblesse locale, exerçait un certain pouvoir sur son évêché. Le peuple assumait également un rôle important.
L'instruction est pratiquement inexistante, mais les efforts des Castoriens pour obtenir une éduca­ tion hellénique révèle la suprématie de l'élément grec, comme l'affirment également les voyageurs de cette époque. D'un point de vue ecclésiastique, Castoria appartient à l'Archevêché d'Ochrid, et jouit de plusieurs privilèges parce qu'elle est une Métropole importante.
L'étude des églises conservées jusqu'à nos jours montre que cinq d'entre elles furent construites du­ rant le XVIIe siècle. Cinq églises datant des XVe et XVIe siècles et six autres remontant à l'époque by­ zantine ont été remaniées. Ces remaniements consistent en l'élargissement de l'église principale, l'addi­ tion d'annexes ou la peinture de nouvelles fresques. Certaines de ces églises ont jusqu'à 17 m. 60 de long. Les fresques conservées dans ces seize églises constituent l'objet d'étude de notre thèse de doctorat. Chronologiquement, elles furent peintes pendant une période de 57 ou 58 années, c'est-à-dire de 1605-6 à 1663. Les travaux de décoration des églises de Castoria semblent avoir été interrompus à partir de la septième décennie du XVIIe siècle et jusqu'en 1701. Toutefois, jusqu'en 1663 le programme iconogra­ phique des églises était réalisé à un rythme régulier, avec une fréquence d'une à quatre églises par dé­ cennie. L'interruption est due, semble-t-il, aux problèmes financiers et administratifs qui se sont posés à la Métropole de Castoria durant cette période.
Nous examinons par ordre absolu ou relatif les monuments ci-dessous : la Vierge du maître Apos­
tolakis (1605-6); Saint-Démètre d'Éléoussa (phase 1608-9); la représentation de la Vierge de« Tsiat­ siapas » (1613-4 et 1627) ; les Taxiarques de« Tsiatsiapas » (1622) ; la Vierge,du quartier des Saints­ Anargyres (phase 1634-5 et 1657); Saint-Nicolas du maître Thomanos (1639); les Taxiarques du Gym­ nase (phase 1640 environ); la Vierge du quartier de Mouzévikis (phase 1650); Saint-Georges du Vou­ nou (phase 1651); Saint-Nicolas du maître Kyritzis (phase 1654); la Vierge Koumbélidiki (phase du mi­ lieu du XVIIe siècle environ); Saint-Nicolas de Magaleiou (1654 environ); Saint-Georges  du quartier de Mouzévikis (phase 1657-1663 environ); Saint-Nicolas de la dame Théologina (phase 1663) et Saint Georges de Politeia (phase des environs de la septième décennie du XVIIe siècle).
Du point de vue architectural, six de ces monuments appartiennent au type simple très répandu
consistant en une église à nef unique, dépourvue de narthex et couverte d'un toit à charpente. Celles-ci furent construites durant le XVIIe siècle et certaines d'entre elles conservèrent intact le vieux modèle byzantin ou post-byzantin. Sept églises se composent d'une nef et d'un narthex couverts d'une toiture à charpente. Certaines d'entre elles furent conservées, d'autres acquirent des annexes dans des périodes ultérieures. Deux églises présentent la forme d'une basilique à trois nefs et à toit à charpente, résultat de changements postérieurs. Une seule église, enfin, appartient au type de l'église byzantine triconque à exonarthex.

Les douze inscriptions des donateurs sont un sujet d'étude très important. Ces inscriptions sont conservées dans onze des seize églises que nous étudions. Dans six d'entre elles, les frais furent pris en charge par un seigneur ou une dame avec son époux et sa famille. Dans une des ces églises, l'inscription indique que les donateurs furent quatre seigneurs, un moine et deux religieuses. Enfin, dans un de ces monuments, nous lisons que la donation fut faite par un prêtre. Les textes des inscriptions et l'étude comparative des sources de cette période attestent que l'économie favorise les différences sociales. Au sommet de l'échelle sociale: les riches qui ont acquis des terres et les commerçants. Ils entretiennent de très bonnes relations avec le clergé qui représente le pouvoir supérieur pour les chrétiens assujettis aux Turcs. En faisant don d'une partie de leurs biens à la Métropole de Castoria, ceux-ci expriment leur pié­ té religieuse, leurs respect et dévotion envers le maître spirituel et juridique des chrétiens mais ils empèchent, par ailleurs que leurs biens tombent aux Turcs. En même temps, ils veillent à leur promotion et à leur ascension socials. Il semble que certains membres du clergé de Castoria jouissaient de pouvoirs financiers analogues.
Parmi les donateurs, le maître « Kir Apostolis tou Dimitriou Rali » ou « Apostolakis » tient une pla­ ce éminente. Des membres de sa famille sont inscrits dans le Registre de la Métropole de Castoria qui date de la fin du XVIIe siècle. La famille « Konstantinos Ralis » occupe également une place sociale im­ portante dans la société de Castoria, si l'on en juge par leurs donations en faveur de la Métropole. Mais le plus renommé parmi ses contemporains,« le plus noble et le plus illustre» est Dimitrios Kyritzis, père de Georgios Kyritzis qui sera le grand donateur et fondateur de l'école grecque de Castoria, en 1714. La participation des femmes aux donations est remarquable. Dans l'église de la Vierge du quartier de Mouzévikis et dans l'église Saint-Nicolas, les inscriptions mentionnent d'abord les femmes, respecti­ vement kyra Anna ou Assama et kyra Théologina, avant de citer leurs époux comme donateurs.
Au bas de l'echelle sociale, on distingue l'apport de simples professionnels: artisans, maçons, ou­ vriers et hommes ne possédant pas de terres. Les peintres et leurs groupes itinérants appartiennent à cette classe sociale. Leur pauvreté et leur origine humble expliquent l'absence de signature sur leurs œuvres. Il n'y a que trois exceptions à cette« règle»: Nicolas, originaire de Linotopi, prêtre Ioannis et un certain Ilias. Nous constatons que l'œuvre de ces trois artistes est la plus notable parmi les ensembles iconographiques que nous étudions.
L'étude des inscriptions des donateurs nous fournit une liste des métropolites qui se sont succédés à Castoria : entre autres Métrophanès ; Théophylaktos ; Chariton et Arsénios. Iérothéos, quant à lui, n'est mentionné dans aucune inscription.
Dans le cadre formé par les conditions submentionnées, nous analysons le programme iconographi­ que des seize églises du XVIIe siècle en divisant les thèmes en vingt-six chapitres. L'approche iconogra­ phique se fait suivant la composition, les sujets ou groupes de sujets comme nous les rencontrons dans l'ensemble de ces églises.
En commençant par les thèmes que nous retrouvons dans les sanctuaires, nous constatons que les sujets les plus connus et les plus répandus sont les mêmes que ceux d'époque byzantine tardive. La Pla­ tytéra des Blachernes, à quelques variantes, décore toujours le haut du Chœur. Le thème des saints évê­ ques et du Mélismos du Christ est repris à la décoration de la zone inférieure. Néanmoins, le thème de la Communion des Apôtres apparaît deux fois et celui de la Liturgie Divine une seule fois. Rencontré uniquement à Saint-Georges de Politeia, la représentation de la Liturgie Divine combine les éléments iconographiques du Mont Athos et de l'Épire. Les thèmes liturgiques comprennent aussi des motifs particuliers comme la Retraite de Judas de la Communion des Apôtres, retrouvée trois fois, et l'image du Christ comme « Pain donnant la Vie » dans trois des représentations du Mélismos. Ces motifs sont repris à l'iconographie paléologienne et sont surtout fréquents dans les monuments où l'on distingue une forte influence de l'école macédonienne.
Parmi les représentations des saints évêques, on distingue celle de saint Grégoire de Palamas dans
le sanctuaire de Saint-Nicolas de la dame Théologina. Chronologiquement, il s'agit de la troisième ima­ ge de cet évêque livrée par les églises de Castoria.
Les représentations des cycles des Douze Fêtes (Dodécaorton), de la Passion et de la Résurrection du Christs'occupent l'essentiel de la surface historiographiéedes églises étudiées : on les rencontre dans une même zone et dans l'ordre de la narration évangélique, sans qu'elles soient divisées en cycles parti­ culiers. Le plus grand nombre de ces représentations se retrouve à l'intérieur de l'église de la Vierge du quartier des Saints-Anargyres, avec quatorze sujets dans treize cadres. Viennent ensuite la Vierge du maître Apostolakis avec treize sujets et l'église Saint-Démètre d'Éléoussa avec onze sujets.
L'iconographie dominante est celle qui se développe et se répand aux XIVe et XVe siècles en Ma­ cédoine du Nord et de l'Ouest et dans les régions limitrophes, dépassant les frontières actuelles. Les ressemblances caractéristiques qui présentent les peintures rencontrées dans les régions d'Aiané, de Prespès et d'Ochrid, révèlent un foisonnement de modèles et d'échanges artistiques dans une étendue géographique qui échappe à l'influence crétoise. La conservation des traits caractéristiques de l'icono­ graphie de« l'atelier de Castoria » à l'intérieur de l'église de la Vierge de maîtré Apostolakis (les Ra­ meaux, les Jugements de Caïphe et de Pilate, la Crucifixion et le Thrène), mais aussi dans l'église de la Vierge du quartier des Saints-Anargyres (Jugements de Caïphe et de Pilate, Jésus dans le chemin de la Croix et dans le Thrène) ainsi qu'à Saint-Nicolas de Magaleiou (Nativité), indique la puissance de cet atelier local dont l'écho se rencontre surtout dans ces monuments qui datent de la première moitié du XVIIe siècle.
Parmi les rares sujets iconographiques, on note, d'une part, la représentation dans le même cadre des Femmes et des Apôtres devant le tombeau vide dans l'église de la Vierge du maître Apostolakis, thè­ me issu de la tradition iconographique macédonienne et repris par Frangos Catélanos ; et d'autre part, la représentation dans un même cadre du Jugement des grands prêtres et du Jugement de saint Pierre dans l'église de la Vierge du quartier des Saint-Anargyres. L'utilisation de plusieurs niveaux scéniques, datant des XIVe et XVe siècles, s'est néanmoins répandue dans les monuments macédoniens et serait probablement d'influence occidentale.
Les ressemblances iconographiques que présentent la Cène, la Dormition de la Vierge et Sainte­ Hélène, dans les deux églises (de la Vierge du maître Apostolakis et de la Vierge du quartier des Saints­ Anargyres) de Saint-Nicolas du maître Thomanos, devait avoir de l'œuvre d'Onuphre du Bérat.
Dans les fresques de l'église Saint-Nicolas de la dame Théologina, nous remarquons une forte res­ semblance avec les sujets représentés dans les monastères de Philanthropinon et de Diliou à Jannina (la Présentation du Christ au Temple, la Cène, la Trahison, la Dormition de la Vierge et plusieurs figures des saints isolés au registre inférieure).
En dépit d'un certain éclectisme vis-à-vis des traditions iconographiques, comme nous l'avons signalé, on décèle une unité dès lors que ladite tradition « anticlassique » - qui caractérise l'école macé­ donienne et l'école épirote ainsi que« l'atelier de Castoria » et qui est présente dans chacune des églises
-pratiquée parles ateliers locaux dont l'art s'est popularisé.
Une part considérable des cycles que nous étudions est dédiée à la représentation des Miracles, de l'Enseignement et des Paraboles du Christ. On rencontre ces thèmes répartis çà et là à l'intérieur de l'égli­ se de Saint-Nicolas du quartier des Saints-Anargyres. Toutefois, dans l'église Saint-Nicolas de la dame Théologina, ils sont représentés dans un cycle qui comprend quinze thèmes où les miracles du cycle de Galilée alternent avec ceux du cycle de Judée. C'est la deuxième église de Castoria,, après Saint-Jean le Théologien de Mavriotissa, à illustrer les thèmes de ce cycle. Sur le mur sud dominent les représentations des miracles racontés par Loucas, sur le mur ouest, ceux relatés par Matthieu et, sur le mur nord, ceux qui sont rapportés par Jean. Les thèmes choisis par le peintre sont rares dans les peintures murales. Quel­ ques-uns se fondent sur le même modèle que ceux du monastère de la Grande Vierge de Samos (l'Hydro­ pique, la fille de Jaïre, la Samaritaine), ceux du Réfectoire de Dionysiou (le Démoniaque de Caphar­ naüm, le figuier asseché, la fille de Jaïre, les deux aveugles de Jéricho, le fils de la veuve de Naïn) et ceux du monastère des Philanthropinon (les Noces de Cana, la parabole du bon Samaritain). Les moyens d'ex­ pression sont repris à des scènes narratives rencontrées dans des églises post-byzantines de Macédoine, d'Épire et de la région du Patriarcat de Peé. Les inscriptions nous renseignent sur la conception populai­ re des thèmes : dimanche du Paralytique ; dimanche de l'Aveugle ; dimanche de la Samaritaine.
L'église de Saint-Nicolas du maître Thomanos ainsi que le narthex des églises de la Vierge du quartier de Mouzévikis et de la Vierge du quartier des Saints-Anargyres illustrent des thèmes de la vie de la mère du Christ. La première et la troisième église représentent la Nativité et la Vierge au temple, thèmes très répandus dans plusieurs œuvres post-byzantines. Le peintre de la Vierge du quartier de Mouzévikis, quant à lui, sous l'influence des cycles narratifs de l'époque paléologue et de ceux des monastères épiro­ tes (Diliou et Philanthropinon), a illustré sept thèmes de la vie de la Vierge. Dans l'église de la Nativité de Saint-Nicolas du maître Thomanos, nous reconnaissons des motifs rares, issus de la thématique du nord-ouest de la Grèce, comme Joachim embrassant la toute jeune Marie.
L'église de la Vierge du maître Apostolakis représente seize scenes de l'Hymne Acathiste et l'église de la Vierge du quartier de Mouzévikis en figure dix"'neuf. Trois scènes de ce même hymne sont repré­ sentées dans l'exonarthex de l'église de la Vierge de Koumbélidiki respectant le principe byzantin selon lequel cet hymne ne figure que dans les annexes des églises. Le premier des deux monuments fait appel à des motifs rares utilisés dans l'iconographie paléologue et au monastère de Marko, en Serbie. Le plus rare de ces motifs est l'ange-cavalier rouge de la huitième strophe de l'Hymne Acathiste précédemment représenté à Lesnovo, détaché du cycle. Le peintre demeure fidèle aux modèles iconographiques de la Macédoine et de la Serbie et ne suit ni l'école crétoise, ni les prototypes du mont Athos. Dans l'église de la Vierge du quartier de Mouzévikis, le cycle de l'hymne de l'Acathiste occupe la partie occidentale de l'église, mais inversement à l'ordre habituel. Il commence dans la partie ouest du mur nord et se déve­ loppe vers le sud si bien qu'il n'interfère pas avec la continuité narrative du Dodécaorton qui se déroule selon l'ordre habituel dans la partie est du naos. Le peintre semble être influencé par l'iconographie des centres monastiques du Mont-Athos, des Météores et de la Grande Vierge de Samos.

Des seize églises que nous étudions ici, quatre illustrent des thèmes du cycle des martyres des saints. Les représentations dans le narthex des églises de la Vierge de« Tsiatsiapas » et de Saint-Nicolas de la dame Théologina sont parfaitement conservées. Dans la première, il n'y a pas de série bien prése et le choix des thèmes n'est pas fondé sur les synaxaires des saints très répandus dans !'Orthodoxie. Parmi ces thèmes, le Massacre des Innocents répète exactement dans son iconographie le modèle de Théophane qu'on ren­ contre notamment au monastère de la Grande Lavra.
Cependant, à Saint-Nicolas de la dame Théologina, nous distinguons neuf scènes de martyrs et de saints. Le peintre puise ses thèmes dans les synaxaires des saints les plus connus : Saint-Georges, Saint­ Démètre, Saint-Jean le Précurseur, Saint-Étienne, etc. D'un point de vue narratif et iconographique, le peintre se fonde tant sur des sources rares, pré-métaphrastes (dans le cas du martyre de Saint Georges· notamment) que sur des prototypes de l'iconographie occidentale (ainsi dans la vision de saint Eustache).
Une série de martyres- sept et huit respectivement- est également représentée dans les narthex de la Vierge de« Tsiatsiapas » et de Saint-Nicolas de la dame Théologina. La séparation extérieure s'effec­ tue par le biais de l'illustration d'autres martyres dont le groupement thématique semble plonger ses ra­ cines dans une tradition iconographique locale. Ce type d'illustration ne se rencontre auparavant que dans le diaconikon de Sainte-Sophie à Ochrid et à Saint-George du Vounou de Castoria. Les analogies que présentent les deux monuments que nous étudions sont considérables du point de vue iconographi­ que. Le fait d'adopter des motifs iconographiques rares comme la Pendaison (tête à l'envers) de Philip­ pe à un arbre, la Lapidation de Marc et la Dormition de Luc, prouve qu'ils tirent leur inspiration de la tradition des vieux textes pré-métaphrastes et des sources d'Herménie. Dans l'église de Saint-Nicolas de la dame Théologina, des inscriptions longues et descriptives s'insèrent dans le cadre de chaque martyre. Leur contenu et leur expression correspondent plus ou moins aux phrases utilisées dans l'Herménie et dans ses sources. C'est la première fois que pareilles phrases apparaissent dans la peinture monumenta­ le. Dans les narthex des trois églises que nous étudions, nous rencontrons des thèmes de la Vie de quel­ ques saints. Ainsi, dans la Présentation de la Vierge de« Tsiatsiapas », huit scènes se rapportent à la Vie de saint Jean le Précurseur. Dans les églises de la Vierge Koumbélidiki et de Saint-Georges du quartier de Mouzévikis, on compte respectivement trois et six scènes qui relatent la Vie de saint Georges. La vie du Précurseur est représentée pour la première fois à Castoria dans l'église de la Vierge de « Tsiatsiapas » et se fonde sur des originaux figurant dans des monuments de l'époque paléologue en Macédoine et sur-tout sur l'iconographie du monastère du Prodrome à Serres. Avant les XVIIe et XVIIIe siècles, le thè­ me du petit Jean conduit dans le désert par l'archange Ouriel est très rare dans l'iconographie. Les sour­ ces de ce thème ne sont connues que par des textes apocryphes. Il n'y a aucun autre exemple du thème de la Prière du Précurseur.
Les scènes de la Vie de saint Georges sont plus fréquentes dans l'iconographie des églises de Casto­ ria. D'ailleurs, une des plus anciennes églises byzantines de cette ville, mentionnée par Anne Comnène, était dédiée à saint Georges, le cycle le plus ancien connu à Castoria se trouvant dans l'église des Saints­ Anargyres. Les peintres du XVIIe siècle ont semble-t-il suivi ces prototypes : en effet certaines des scè­ nes que nous étudions, comme la Flagellation du saint ou l'Éducation du saint en prison, sont inconnues aux XVIe et XVIIe siècles, mais très répandues dans l'iconographie médiobyzantine. D'ailleurs, certains types iconographiques nous rappellent plutôt les XIIe et XIIIe siècles et non la période post-byzantine. Les peintres se fondent surtout sur les textes pré-métaphrastes.
Parmi les thèmes del'Ancien Testament illustrés uniquement dans le narthex de la Présentation de la Vierge de « Tsiatsiapas », celui qui représente le Sinaï est à notre sens le plus rare. Il s'agit de la pre­ mière apparition connue du Sinaï dans la peinture monumentale. Jusque là, on ne connaissait que les prototypes sculptés des XVIe et XVIIe siècles, ainsi que certaines icônes portatives de peintres crétois et de Théotokopoulos. Selon toute vraisemblance, le peintre reproduisait un modèle sculpté. On sait, par ailleurs, que les chrétiens de Castoria entretenaient de bonnes relations avec le monastère du Sinaï. Le Jugement Dernier est évoqué dans la partie extérieure du mur ouest ou encore sur le mur orien­
tal des narthex de six églises. Il couvre une grande surface et se divise en plusieurs épisodes. Si dans la plus vieille église ici étudiée - la Vierge du maître Apostolakis - ce thème contient encore des éléments de l'iconographie du XVIe siècle, dans d'autres monuments en revanche, on remarque l'utilisation pro­ gressive de motifs populaires. Ainsi, dans l'église de la Présentation de la Vierge de« Tsiatsiapas » ob­ serve-t-on des similitudes dans des motifs comme le Paradis, la personnification de la terre et les châtiments individuels. Les motifs populaires sont plus nombreux à Saint-Nicolas du maître Kyritzis et surtout dans l'église de la Vierge du quartier des Saints-Anargyres, où figurent les péchés écrits en lan­ gue populaire : magistra ; katalalitria ; ankalestis ; milonas ; mihos ; blastimos ; etc.
Parmi les six illustrations isolées de Jésus-Christ, celle du Christ-Ange-du Grand Conseil, dans l'exonarthex de la Vierge Koumbélidiki appelle une mention particulière. Il s'agit de la plus ancienne image de ce type à Castoria. Nous en trouvons des répliques dans l'église de la Panagia Eléoussa de la Grande Prespa et dans quelques églises de la Grèce occidentale. Le peintre y a inscrit le titre « Emma­ nuel » qui est sans rapport avec le type iconographique représenté.
Parmi les treize représentations de la Vierge, on observe une incompatibilité entre les types repré­ sentés et l'épithète qui les accompagne. Au point de vue symbolique et iconographique, une importance particulière est attribuée au type de la Vierge Glycophiloussa figurant dans l'église de la Vierge du maî­ tre Apostolakis. Cette image qui allie certaines caractéristiques de la Vierge Pélagonitissa et de la Vier­ ge Glycophiloussa est d'autant plus importante qu'elle est décrite dans les quatorzième et quinzième strophes de l'Hymne Acathiste, qui glorifient et personnifient le Verbe divin.
De plus, deux des trois images de la Vierge Source-de-Vie seraient à mettre en rapport avec les épi­ démies de peste qui éclatèrent à Castoria en 1611/2 et en 1666.
Saint Nicolas est glorifié à Castoria au même titre que les deux personnages les plus sacrés de la chrétienté que sont le Christ et la Vierge. Sur les rives du lac sur lesquelles le Castoriens ont bâti leur ville, cinq des églises étudiées lui sont dédiées et cinq autres livrent image du saint de grandes dimensions ; nous ne prenons en compte que les représentations du saint parmi les prélats figurés dans le béma. La représentation de ce saint sur le mur sud de l'église de la Vierge du maître Apostolakis, emplacement en principe réservé à la Vierge à laquelle l'église est dédiée, nous étonne encore davantage.
Les images des saints de la zone inférieure se divisent en onze groupes dont le plus grand est celui des saints militaires, les saints moines n'arrivant qu'en seconde position. En troisième lieu, nous distin­ guons les saints médecins. Parmi les saints militaires, nous discernons l'image peu commune de Saint Ni­ colas Nouveau dans l'église de la Vierge du maître Apostolakis. Cette image est très rarement attestée en Macédoine, en Thessalie et en Grèce continentale de l'Ouest. Les saints n'ont aucun attribut militai­ re, mais portent des habits de riches (fourrures, broderies etc). Par conséquent, les peintres mettent plu­ tôt l'accent sur le caractère de martyre que sur le caractère guerrier du saint. Les attributs de la noblesse apparaissent surtout dans les représentations des saints Serge, Bacche et Jacques le Perse, dans l'église Saint-Nicolas de la dame Théologina, tous vêtus avec faste. Cette solution iconographique héritée des monuments de la période des Paléologues dans la Macédoine se rencontre dans le monuments post-by­ zantins du nord-ouest de la Grèce.
Parmi les images des saints moines, celle de saint Barbare, dans l'église de la Vierge du maître Apos­ tolakis, appelle une remarque particulière : il s'agit en effet d'une figure peu représentée et surtout ado­ rée en Serbie du sud, en Macédoine et dans l'ouest de la Grèce. Les exemples les plus anciens de cette image remontent au XIVe siècle.
Vingt-neuf figures de saints médecins décorent les surfaces des églises que nous étudions. Sept d'entre elles ornent le narthex de la Présentation de la Vierge de« Tsiatsiapas », église construite trois ou quatre ans après les deux épidémies de peste qui frappèrent la ville en 1611 et 1612.
Enfin, dans l'église de la Vierge du quartier de Mouzévikis, on notera le choix parmi les saints mé­ decins des figures rarement représentées comme saint Thalaléos, saint Sampson, saint Hermolaos et probablement Photios, Anikitos et Diomède. Il est possible que la donatrice, pour des raisons personnel­ les, ait joué un rôle dans le choix de ces figures.
Parmi les saintes représentées, sainte Paraskève occupe une place privilégiée surtout à Saint-Nico­ las du maître Thomanos où la sainte se tient la tête, sujet rare, introduit par l'iconographie locale du XVe siècle à Castoria et en Pélagonie.
Autre detail surprenant: malgré l'existence d'inscriptions de donateurs où la contribution des fon­ dateurs et des fondatrices est clairement mentionnée, l'image d'un personnage anonyme coiffé d'un turban dans l'église du Taxiarque du Gymnase, est le seul portrait de donateur que nous connaissons.
L'étude de l'ensemble des peintures murales fait apparaître l'application d'un programme icono­ graphique précis dans toutes les églises bâties au XVIIe siècle. Tous les thèmes s'inscrivent dans des ca­ dres à bandes rouges. Les divers cycles thématiques sont adaptés aux formes allongées des églises et se déploient sur deux ou trois.zones horizontales. L'église Saint-Nicolas de la dame Theologina constitue le meilleur exemple d'ordre iconographique du point de vue de la distribution hiérarchique des cycles thématiques, tandis que le narthex de la Vierge Koumbélidiki nous offre des thèmes appartenant à trois cycles différents qui couvrent partiellement les quatre murs. Il s'agit d'un cas unique dans toutes les églises que nous étudions. Les scènes évangéliques occupent le narthex probablement faute d'autres espaces.
Des seize églises que nous étudions, trois sont de petits monastères, mais leur décoration ne diffère pas des autres églises paroissiales, ce qui trouve bien qu'au XVIIe siècle, en Macédoine occidentale, l'iconographie des monastères et des églises paroissiales n'étaient pas soumise à des règles strictes, contrairement à ce qui se passait au XVIe siècle, surtout dans les grands centres monastiques.
Chaque peintre jouit donc d'une entière liberté en ce qui concerne le choix de son programme. Ainsi, les plus habiles choisissent-ils des programmes complexes et unifiés, comme dans l'église de la Vierge du maître Apostolakis, dans le narthex de la Vierge de« Tsiatsiapas » où encore à Saint-Nicolas de la dame Théologina. Ailleurs, comme dans l'église de la Vierge du quartier de Mouzévikis, les pein­ tres rassemblent une multitude de thèmes sans se soucier de l'unité ni de la qualité du résultat final. Il faut noter que les plus anciennes peintures ne sont pas toujours les meilleures. Ainsi, nous pourrions dire qu'un peintre de 1639 s'avère supérieur à un artiste de la période 1634-1635 ou qu'un autre de 1663 est supérieur aux peintres de 1650 ou 1654.
La tradition iconographique locale influence ces peintures. Cette traditions'est développée en Ma­ cédoine occidentale, après la chute de Byzance. Elle a integré l'héritage de la peinture de l'époque des Paléologues, caractérisée par le grand nombre de cycles, la tendance à la simplicité et le petit nombre de personnages dans les scènes décrites. Son style simple, naïf et spontané domine et s'oppose à la facture académique de l'école crétoise. Ce style se retrouve dans une région très vaste qui dépasse les frontières actuelles de la Grèce et s'étend jusqu'à la région de Peé. Ni la distance ni les différences nationales et linguistiques entre les peuples grec et serbe ne constituent une entrave aux échanges artistiques. D'ailleurs, l'amélioration des relations entre l'archevêché d'Ochrid et le patriarchat de Peé favorise tous ces contacts. Le voisinage avec Linotopi n'est pas sans influence sur le développement de la peinture à Castoria.
L'éclectisme du style loin de trahir une faiblesse, indique au contraire la richesse d'une voie nouvel­ le. Les peintres disposent de copies qui, dans certains cas, nous renvoient à l'époque des Comnènes et des Paléologues. De plus, leurs sources narratives sont parfois très rares, comme les cycles pré-méta­ phrastiques.
L'analyse de l'œuvre de ces peintres révèle que certains ont travaillé dans plusieurs églises. Le pein­ tre anonyme de la Vierge du maître Apostolakis a également laissé sa marque, trois ou quatre ans plus tard, à Saint-Démètre d'Éleoussa et au sanctuaire de la Vierge de« Tsiatsiapas ». Dans cette dernière église, on distingue aussi l'œuvre de deux autres peintres. Nous pouvons donc en éonclure que ce pein­ tre fut important à l'aube du XVIIe siècle et qu'il développa une action considérable à Castoria durant une période d'environ huit ans. Quant aux autres peintres qui ont décoré le narthex de la Vierge de
« Tsiatsiapas » ils ne sont pas dotés du même talent et on ne les rencontre nulle part ailleurs.
L'église du Taxiarque de « Tsiatsiapas » nous fait connaître deux peintres virtuoses qui signent leurs œuvres hélas totalement ponctuelles, mais qui ont su intégrer dans la tradition de l'école crétoise des éléments de la tradition locale.
Le peintre de la Vierge du quartier des Saints-Anargyres que l'on caractérisera de praticien illustra également l'église de Saint-Nicolas du quartier des Saints-Anargyres. Quatre années plus tard, Nicolas de Linotopi fait preuve de culture et se distingue par son habileté. Plein de fierté pour sa terre natale, il n'hésite pas à signer son œuvre. De tous les artistes ici étudiés, il est incontestablement le meilleur : il réussit à donner à ses personnages une expression de vie et sa palette très nuancée est remarquable. Quant à ses prototypes et à son style, ils sont autant expressionnistes et simples que classiques. On peut voir en lui un digne représentant de l'éclectisme qui domine durant toute cette période.
Nous ne rencontrons qu'une seule fois les peintres médiocres du Taxiarque du Gymnase, de la Vier­ ge du quartier de Mouzévikis et del'exonarthex de la Vierge Koumbélidiki. En revanche, un groupe très talentueux de deux ou trois personnes, qui fait son apparition à Saint-Nicolas de Kyritzis, domine à Cas­ toria pendant une période de neuf ans- de1654 à 1663-et décore cinq églises. Dans l'église du maître Kyritzis, nous avons l'impression que le « maître » est le seul à travailler et ne laisse à son « élève » que le soin d'élaborer les inscriptions. Il en va de même à Saint-Nicolas de Magaleiou où le« maître» s'est encore amélioré. Mais dans le narthex de la Vierge du quartier des Saints-Anargyres, nous discernons, pour la première fois, l'œuvre commune de deux peintres appartenant à ce groupe. Les deux artistes se partagent l'espace. La supériorité qualitative de« l'élève» est évidente. Dans les scènes exécutées par le second peintre, la relation entre les personnes et l'espace est plus cohérente. Le paysage naturel ou ar­ chitectural occupe un espace considérable et joue un rôle scénique. Les figures sont maniéristes et le sty­ le populaire de plus en plus accentué.
Dans le narthex de Saint-Georges du quartier de Mouzévikis, les peintures du deuzième peintre, de
«l'élève», occupent plus d'espace : il est auteur de la plupart des sujets, surtout ceux qui décorent la partie supérieure des murs. On perçoit une évolution de son œuvre, du point de vue stylistique, analy­ tique et du point de vue des couleurs. Il y a tout lieu de penser qu'un troisième membre de ce groupe fut mis à l'épreuve dans cette église, mais sans succès. Ce qui explique que les autres l'ont cantonné dans l'exécution des corps de quelques saints.
Le second et meilleur peintre du groupe domine largement dans la décoration de Saint-Nicolas de la dame Théologina. Il semble en fin s'être libéré de l'influence de son« maître» et utilise des prototy­ pes riches et parfois rares. Ses compositions sont plus calligraphiques, plus théâtrales et plus colorées. Il a le sens de la géométrie et utilise des axes, sans pour autant éviter la schématisation et le maniérisme qui va croissant. Le vieux peintre - ou « maître » - participe peu cette fois-ci et ne décore qu'une petite par­ tie du sanctuaire avec les figures de trois évêques.
Après  1663, nous n'avons plus d'œuvres de cet atelier apparement  local, ses artistes ayant élu
domicile à Castoria où ils exerçaient leur art. Les personnages éminentes de la société de Castoria, cornme le maître Kyritzis et la dame Théologina eurent une prédilection pour ce groupe durant une décen­ nie. Une fois disparus les membres de ce groupe, les Castoriens se tournèrent vers d'autres peintres plus modestes, comme on le constate à Saint-Georges de Politeia. On s'étonnera que les membres de ce grou­ pe n'aient pas laissé leur signature sur les inscriptions des donateurs des églises qu'ils ont décorées.
En conclusion, nous pouvons affirmer que l'existence de nombreux peintres à Castoria pendant le XVIIe siècle constitue une force locale importante. Hormis Linotopi, la qualité de Castoria est supérieu­ re à celles des autres villes voisines comme Véroia. Ces peintres ont dû s'exercer également à la peinture d'icônes portatives, comme le prouve l'atelier qui a décoré l'iconostase en bois de l'église de Saint-Nico­ las de Kyritzis avec des thèmes simples qui ressemblent aux mentions des nobles du XVIIIe siècle. L'art des peintres de ce siècle à Castoria est très au fait de l'évolution artistique. Le passage de l'art byzantin et post-byzantin du XVIe siècle à l'art populaire du XVIIIe siècle s'opère d'une façon régulière, ce qui prouve que les peintures murales du XVIIe siècle ne viennent pas clore sans gloire une tradition, mais au contraire jettent les bases de la peinture populaire néohelléilique du XVIIIe siècle. Les peintres marient la tradition et les éléments nouveaux avec un grand dynamisme. Ils sont plus libres, et les plus inspirés d'entre eux se risquent à quelques innovations majeures. Le double caractère de cette peinture et l'alliance de deux mondes différents se révèlent également par l'étude des inscriptions des donateurs, où la langue ecclésiastique officielle se combine à la langue quotidienne et parfois mêmes à des idiomes caractéristiques. Une nouvelle ère s'annonce qui assurera la jonction entre les XVIe et XVIIIe siècles.

Traduction Paola Staraki

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